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Un fait de la vie privée ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf s’il se rattache à la vie d’entreprise

mercredi 6 avril 2011, par Gil

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 10 décembre 2008
N° de pourvoi : 07-41820
Publié au bulletin Rejet

Mme Collomp, président
Mme Bouvier, conseiller rapporteur
M. Allix, avocat général
SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rouen, 17 octobre 2006) que M. X..., engagé en qualité de moniteur d’atelier par l’Association rouennaise de réadaptation de l’enfance déficiente (ARRED), par contrat à durée indéterminée du 27 octobre 2003, a été licencié pour faute grave le 1er décembre 2004 ; que contestant ce licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement de diverses sommes ;

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt d’avoir dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que les agissements d’un salarié dans sa vie personnelle ne sont pas constitutifs d’une cause de licenciement ; qu’en l’espèce, il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué que le jour où M. X... avait tenu le propos incriminé, celui-ci se trouvait à un stand sur une foire, en dehors de son temps et de son lieu de travail et qu’il se trouvait en arrêt maladie ; que la cour d’appel a considéré qu’il s’agissait d’une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu’en statuant ainsi, bien que l’attitude du salarié constituait un fait de vie personnelle insusceptible de fonder un licenciement, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article L. 122-14-3 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel a relevé que les propos injurieux tenus par le salarié concernait sa supérieure hiérarchique et avaient été prononcés devant trois adultes qu’il était chargé d’encadrer : qu’elle a pu en déduire que le fait litigieux se rattachait à la vie de l’entreprise ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP COUTARD, MAYER et MUNIER-APAIRE, avocat aux Conseils pour M. X...

Le pourvoi reproche à l’arrêt attaqué d’avoir dit que le licenciement de M. X... avait été prononcé pour une cause réelle et sérieuse ;

Aux motifs que La lettre de licenciement en date du 1 er décembre 2004 est ainsi libellée :
" Nous vous avions convoqué à un entretien préalable vendredi 26 novembre 2004 dans le but de nous fournir toutes explications sur les faits qui se sont déroulés le 22 octobre 2004.
Les explications que nous avons reçues de vous lors de l’entretien au cours duquel vous étiez accompagné par un conseiller extérieur, M. Serge Y..., ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation sur les faits reprochés.
En effet, le 22 octobre, vous étiez sur un stand de la foire Saint Romain (Kébab) à servir des clients.
Des adultes du CAT (Miles Eléonore Z..., Laëtitia A..., Mme B...) ainsi que l’ami d’Eléonore (David) et l’ami de Karine (Franck) se promenaient à la foire et vous voient sur ce stand.

Ils viennent vous saluer et échanger quelques mots avec vous.

Au moment où ils repartaient, vous interpellez Eléonore et vous lui dites : " Tu diras à Patricia (la monitrice) que le j’emmerde. "

Patricia C...est monitrice principale du secteur linge où vous travaillez et où travaillent les trois jeunes femmes citées plus haut.

Elles travaillent dans le même secteur que vous. Vous avez par ce comportement commis une faute grave en proférant des grossièretés envers votre responsable en utilisant l’une des personnes que vous encadrez pour transmettre votre message.

Ces jeunes femmes, choquées par votre attitude, sont allées en informer M. D..., directeur du CAT.

Ces faits sont d’autant plus graves qu’ils émanent d’une personne en charge d’éducation à l’égard de ces adultes.

Compte tenu de la gravité de votre faute, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible même pendant un préavis. "

Même si la date des faits est inexacte, force est de constater que M. X... ne conteste pas avoir rencontré Mme Z...en compagnie d’autres personnes, lors de la foire Saint Romain, le 23 octobre, au stand de Kébab ou il se trouvait momentanément pour rendre service à un ami.

Le salarié soutient que c’est Mme Z...qui aurait pris l’initiative de lui parler de Mme C...et que les propos qu’il aurait tenus en réponse ont sans doute été mal compris en raison du brouhaha lié à l’affluence.

Mais contrairement à ce qu’il explique les trois témoignages relatant cette rencontre ne sont pas discordants quant aux termes des propos qu’il a tenus car les trois salariées ont bien entendu M. X... dire : " Tu diras à Patricia C...que je l’emmerde ", deux d’entre elles en ayant été même choquées.

Ce comportement fautif ne saurait pour autant être qualifié de grave, rendant impossible le maintien de la relation contractuelle ; en effet les propos incriminés ont été tenus, certes, devant des salariées, mais en dehors du temps de travail, sur un lieu festif alors que M. X... était en arrêt pour maladie ; de plus, l’explication donnée par l’employeur, pour expliquer la tardiveté de sa réaction n’est pas opérante, nul n’étant censé ignorer la loi.

Dans ces conditions, la décision ayant considéré le licenciement comme reposant sur une cause réelle et sérieuse doit être confirmée, par substitution de motifs ;

Alors que les agissements d’un salarié dans sa vie personnelle ne sont pas constitutifs d’une cause de licenciement ; qu’en l’espèce, il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué que le jour où Monsieur X... avait tenu le propos incriminé, celui-ci se trouvait à un stand sur une foire, en dehors de son temps et de son lieu de travail et qu’il se trouvait en arrêt maladie ; que la Cour d’appel a considéré qu’il s’agissait là d’une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu’en statuant ainsi, bien que l’attitude du salarié constituait un fait de vie personnelle insusceptible de fonder un licenciement, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article L 114-3 du code du travail.

Publication : Bulletin 2008, V, n° 245

Décision attaquée : Cour d’appel de Rouen du 17 octobre 2006

Titrages et résumés : CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Maladie du salarié - Suspension du contrat de travail - Obligation du salarié - Obligation de loyauté - Manquement - Caractérisation

Pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension de son contrat de travail doit mettre en cause l’employeur ou l’entreprise et se rattacher à l’exécution du contrat.

Dès lors, doit être approuvée la cour d’appel qui, ayant relevé que les propos injurieux tenus par le salarié, durant un arrêt pour cause de maladie, concernait sa supérieure hiérarchique et avaient été prononcés devant trois adultes qu’il était chargé d’encadrer, a pu en déduire que le fait litigieux se rattachait à la vie de l’entreprise

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Faute du salarié - Faute grave - Applications diverses - Manquement du salarié à son obligation de loyauté

Précédents jurisprudentiels : Sur le manquement à l’obligation de loyauté comme cause de licenciement d’un salarié lors de la suspension de son contrat de travail, à rapprocher : Soc., 21 octobre 2003, pourvoi n° 01-43.943, Bull. 2003, V, n° 258 (rejet), et les arrêts cités Sur la tenue de propos injurieux et insultant à destination du personnel de l’entreprise comme constitutif de l’obligation de loyauté du salarié, à rapprocher : Soc., 25 juin 2002, pourvoi n° 00-44.001, Bull. 2002, V, n° 211 (rejet)

Textes appliqués :
article L. 122-14-3, alinéa 1er, devenu L. 1232-1 du code du travail