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licenciement économique : critères fixant l’ordre des licenciements

jeudi 10 juin 2010, par Gil

Licenciement économique : quels critères pour fixer l’ordre des licenciements ?

Le licenciement pour motif économique n’est pas lié à la personne du salarié. Avant de licencier, il vous faut donc définir l’ordre des licenciements : déterminer les salariés susceptibles d’être licenciés, suivant des critères définis par votre convention collective ou le Code du travail. Quels sont les critères à prendre en compte ?Pour éviter toute subjectivité dans le choix que vous pourriez faire, la loi a fixé des critères permettant d’établir l’ordre des licenciements, parfois complétés par les conventions collectives. S’il vous faut impérativement les respecter, rien ne vous empêche d’en ajouter d’autres.

Mais la détermination de ces critères et leur classement éventuel doit répondre à des règles précises qu’il ne faut pas négliger.

Quand faut-il définir des critères ?

Dès lors que le licenciement économique a été décidé, vous devez être en mesure de déterminer quelles sont les catégories d’emplois concernées.

C’est à ce moment qu’il vous faut définir les critères qui permettront d’établir quel salarié sera licencié et, s’ils sont plusieurs, dans quel ordre.

Cependant, il n’y a aucun critère à fixer :

* si le projet ne comporte que des mises en préretraite et des reclassements internes sans licenciements fermes ;
* lorsque tous les salariés d’une même catégorie professionnelle doivent être licenciés ou, par définition, lorsque le seul salarié de l’entreprise est licencié.

Quels sont les critères à prendre en compte ?

Critères fixés par la convention collective. Les critères résultent d’abord des conventions ou accords collectifs de travail applicables dans l’entreprise. Si votre convention fixe des critères, ou les hiérarchise, et s’ils sont au moins aussi favorables que ceux fixés par la loi, vous devrez respecter ces dispositions conventionnelles.

Critères fixés par la loi. Si rien n’est prévu par votre convention collective, vous devrez fixer des critères en prenant en compte, au moins :

* les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
* l’ancienneté ;
* la situation des salariés présentant des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile (notamment les personnes handicapées et les salariés âgés) ;
* les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

Vous devrez préalablement consulter le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel. Ces derniers donnent un avis sur les critères et non sur l’ordre des licenciements établi à la suite.

L’inspection du travail n’a pas à être informée de ces critères, sauf en cas de licenciement d’au moins 10 salariés sur une période de 30 jours et en l’absence de représentants du personnel.

Critères complémentaires fixés par l’employeur. La liste des critères fixés par la loi n’est pas limitative. Vous avez donc la possibilité de la compléter, sous réserve de consulter les représentants du personnel.

Attention, les critères que vous fixez doivent être pertinents (ex. : l’aptitude professionnelle, etc.) et surtout non discriminatoires. Vous pouvez, par exemple, créer un critère tenant compte du niveau des rémunérations, de la formation ou de l’expérience professionnelle en fonction des activités et besoins de la société.

Exemple :
L’ordre fixé est discriminatoire lorsqu’il résulte de critères :

* ne prenant en compte que la nationalité, les droits à la retraite ou la maternité ;
* ne retenant que la situation des salariés handicapés ou en arrêt de travail ;
* visant en priorité les salariés à temps partiel.

Communication au salarié. Le salarié peut demander à être informé des critères retenus dès la notification de son licenciement et, au plus tard, dans les 10 jours qui suivent son départ de l’entreprise.

Vous devez lui répondre dans les 10 jours. En l’absence de réponse, vous lui devrez réparation du préjudice causé : indemnité pour inobservation des dispositions relatives à l’ordre des licenciements.

Le salarié a la possibilité de contester devant le conseil de prud’hommes les critères relatifs à l’ordre des licenciements.

Comment appliquer les critères ?

La mise en œuvre des critères doit être objective, pertinente et non discriminatoire. Elle doit s’opérer à deux niveaux.

Au niveau de l’entreprise. Les critères permettant de fixer l’ordre des licenciements doivent être appliqués dans le cadre de l’entreprise, prise dans son ensemble et non au niveau du groupe, de l’établissement ou d’un service particulier.

Par catégorie professionnelle. Les critères doivent ensuite être appréciés pour l’ensemble des salariés qui exercent des fonctions de même nature, supposant une formation professionnelle commune avec le ou les salariés dont le poste est supprimé.

Vous ne pouvez pas fractionner les catégories professionnelles en différentes équipes ou en sous-catégories. Ainsi, les salariés dont le poste est supprimé ne sont pas nécessairement ceux qui seront les premiers sur la liste des licenciés : vous pouvez être amené à conserver un salarié dont le poste est supprimé et à en licencier un autre dont le poste est maintenu (il aura été désigné prioritaire selon les critères de licenciement).

Hiérarchiser les critères pour fixer l’ordre des licenciements

La loi ne hiérarchise aucun des critères légaux, mais elle ne vous empêche pas de le faire. Ainsi, vous pouvez choisir d’accorder plus ou moins d’importance aux différents critères que vous aurez fixés.

Cette hiérarchisation se manifeste par l’attribution d’un coefficient de pondération ou d’un système de points différent pour un ou plusieurs des critères.

Vous pouvez par exemple, parmi la totalité de vos critères, privilégier l’ancienneté ou l’aptitude professionnelle (dès lors que vous vous fondez sur des éléments objectifs).

Ces critères seront ensuite appliqués à chaque salarié de la catégorie professionnelle concernée. Il suffira alors de comptabiliser le nombre de points obtenus par chaque salarié pour établir la liste, dans l’ordre, des salariés qui seront effectivement licenciés.

Dernière minute : pour apprécier les qualités professionnelles des salariés, l’employeur peut tenir compte des sanctions disciplinaires non prescrites, dès lors qu’elles ne constituent pas le seul critère d’évaluation et qu’il n’y a pas de détournement de la procédure (Cass. soc., 19 mai 2010, n° 09-40103).

Quelles sont les sanctions en la matière ?

Le fait de ne pas appliquer les dispositions légales relatives à l’ordre des licenciements est puni d’une amende de 750 euros.

De plus, le salarié pourra contester la procédure devant le conseil de prud’hommes.

Le licenciement ne perdra pas pour autant sa cause réelle et sérieuse, mais les juges pourront attribuer au salarié des dommages et intérêts, considérant qu’il a injustement perdu son emploi.

Le montant de ces dommages et intérêts n’est pas fixé par la loi, les juges ont donc toute liberté sur ce point. Ils apprécient le préjudice subi par le salarié pour fixer le montant des dommages et intérêts

source : éditions Tissot article du 7 juin 2010

le défaut d’indication des critères peut engendrer des dommages et intérêts (cf cassation ci-dessous)

Texte officiel octobre 2010
Arrêt de la Cour de cassation
Chambre sociale
Audience publique du 13 octobre 2010
N° de pourvoi : 09-42549
Non publié au bulletin
Rejet
www.editions-tissot.fr
© Editions Tissot
Cour de cassation
Chambre sociale
Audience publique du 13 octobre 2010
N° de pourvoi : 09-42549
Non publié au bulletin
Rejet
Mme Collomp (président), président
SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 7 avril 2009), qu’engagé par la SAS BIP (la société) en qualité de chauffeur poids-lourds à compter du 25 janvier 1999, M. X... a été licencié pour motif économique le 3 janvier 2006 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir diverses sommes, notamment des dommages et intérêts pour défaut de réponse à sa demande d’indication de l’ordre des licenciements ;
Attendu que la société fait grief à l’arrêt d’accueillir cette demande, alors, selon le moyen qu’il ne peut être alloué au salarié licencié sans cause économique, en plus de l’indemnité fixée à ce titre pour réparer l’intégralité du préjudice subi par suite de la perte injustifiée de son emploi, des dommages-intérêts pour inobservation de l’obligation de communiquer les critères d’ordre du licenciement ; que la cour d’appel, qui a condamné la société BIP, employeur, au versement à M. Patrick X..., salarié, d’une indemnité réparant le préjudice subi du fait de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement économique dont il a été l’objet, et condamné en outre l’employeur à verser 1 500 € de dommages-intérêts pour inobservation de l’obligation d’indiquer au salarié qui le demande les critères d’ordre du licenciement, a violé, ensemble, les articles L. 1233-5, L. 1233-7 et L. 1235-3 du code du travail ;
Mais attendu que le manquement de l’employeur, qui a prononcé un licenciement pour motif économique, à son obligation d’indiquer au salarié qui le demande les critères retenus en application de l’article L. 1233-5 du code du travail, cause nécessairement à ce dernier un préjudice distinct de celui réparant l’absence de cause réelle et sérieuse ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bip aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la société Bip.
Le moyen fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné la Société BIP Bordeaux Cestas, employeur, à payer à Monsieur Patrick X..., salarié objet d’un licenciement individuel pour motif économique, la somme de 1.500 € pour défaut d’indication des critères d’ordre du licenciement ;
AUX MOTIFS QUE le licenciement s’est positionné sur le fondement d’un licenciement économique qui
nécessite de suivre une procédure spécifique dont celle d’établir une liste d’ordre des licenciements, selon les critères définis dont la violation dénature la procédure de licenciement (dénaturation constitutive d’un préjudice spécifique) ; que l’indication selon laquelle la société BIP s’est abstenue tout au long de la procédure de produire les éléments objectifs sur lesquels cet employeur s’est appuyé pour arrêter son choix du licenciement (article L 1233-7 et 1233-5 du Code du travail) soulevée par le conseil du salarié à raison d’une erreur matérielle sur l’âge du salarié concerné, qui lui paraît significative sur les critères d’ancienneté sur la restriction à une seule fonction de chauffeur de la catégorie salariée des ouvriers dans leur ensemble, et de soutenir qu’il ne saurait y avoir cumul des indemnités allouées pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des indemnités pour inobservation de l’ordre des critères de licenciement ; qu’en réalité, le manquement de l’employeur qui a prononcé un licenciement pour motif économique, à son obligation d’indiquer au salarié qui le demande les critères retenus en application de l’article L 1233-5 du Code du travail, cause nécessairement au salarié un préjudice distinct de celui réparant l’absence de cause réelle et sérieuse, et qui doit lui être réparé par l’allocation de dommages intérêts à hauteur de 1.500 € en considération des éléments de l’espèce dont dispose la cour ;
ALORS QU’il ne peut être alloué au salarié licencié sans cause économique, en plus de l’indemnité fixée à ce titre pour réparer l’intégralité du préjudice subi par suite de la perte injustifiée de son emploi, des dommages-intérêts pour inobservation de l’obligation de communiquer les critères d’ordre du licenciement ; que la cour d’appel, qui a condamné la Société BIP, employeur, au versement à Monsieur Patrick X..., salarié, d’une indemnité réparant le préjudice subi du fait de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement économique dont il a été l’objet, et condamné en outre l’employeur à verser 1.500 € de dommages et intérêts pour inobservation de l’obligation d’indiquer au salarié qui le demande les critères d’ordre du licenciement, a violé, ensemble, les articles L 1233-5, L 1233-7 et L 1235-3 du Code du travail.
Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux du 7 avril 2009