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Le harcèlement moral peut être reconnu indépendamment de sa durée

dimanche 30 mai 2010, par Gil

Le harcèlement moral peut être reconnu indépendamment de sa durée

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Le harcèlement moral peut se dérouler sur une courte période affirme, pour la première fois, la Cour de cassation dans un arrêt du 26 mai. Le fait que les agissements en cause aient été subis sur un intervalle de temps relativement bref, ne fait donc pas obstacle à la reconnaissance du harcèlement moral.

> Cette précision des Hauts magistrats ne devrait pas contribuer à tarir le contentieux, déjà abondant en la matière.

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Mise à l’écart après un arrêt de travail pour maladie

> À son retour d’un arrêt maladie de longue durée, le 11 septembre 2006, un salarié employé en qualité de vendeur/acheteur de véhicules est très rapidement affecté à des tâches subalternes de manutention, alors que le médecin du travail l’a déclaré apte à son poste de travail. L’employeur lui interdit par ailleurs de prospecter pour l’achat de nouveaux véhicules. Suite à des menaces et des propos dégradants tenus par l’employeur à son encontre au cours de sa deuxième semaine de reprise, le salarié est placé par son médecin traitant en arrêt de travail, du 22 septembre au 22 octobre 2006, pour traumatisme psychologique . De nouveau arrêté à compter du 13 novembre suivant, il saisit finalement la juridiction prud’homale, en janvier 2007, sans avoir réintégré l’entreprise, et réclame la résiliation judiciaire de son contrat, ainsi que des dommages et intérêts pour harcèlement moral.

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Résiliation judiciaire du contrat

> Compte tenu des manquements invoqués par le salarié, l’action en résiliation judiciaire avait toutes les chances d’aboutir. Les juges du fond, suivis sur ce point par les Hauts magistrats, ont donné satisfaction au salarié, estimant que son affectation à des tâchessubalternes jamais exercées auparavant, ainsi que l’interdiction qui lui était faite de prospecter , caractérisaient une rétrogradation ayant un impact sur la rémunération, et constituaient donc une modification du contrat de travail justifiant la demande de résiliation aux torts de l’employeur . La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble accordant notamment au salarié 15 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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Harcèlement moral

> La solution rendue sur le harcèlement moral est en revanche plus novatrice . La Cour d’appel avait estimé que si le salarié devait être considéré comme ayant été rétrogradé et mis à l’écart à partir du 6 novembre 2006, et si des menaces ou des propos dégradants avaient pu être tenus à son égard au cours de la seconde semaine suivant la reprise du travail, ces événements s’étaient déroulés sur une tropbrève période de temps, compte tenu des arrêts maladie postérieurs à la reprise, pour permettre de caractériser un harcèlement moral. Elle avait en conséquence rejeté la demande de dommages et intérêts formée par le salarié.

> A tort, selon la Cour de cassation qui pose clairement pour principe que « les faits constitutifs de harcèlement moral peuvent se dérouler sur une brève période ». En effet, l’article L. 1152-1 du Code du travail qui définit le harcèlement moral comme des « agissements répétés [...] qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel », ne pose aucunecondition en terme de durée . L’arrêt d’appel est donc censuré pour violation de ce texte.

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Indifférence du critère de temporalité

> Faut-il en déduire que des agissements subis sur une journée ou une semaine pourraient caractériser une situation de harcèlement ? Rien n’est moins sûr. Selon sa définition légale, le harcèlement moral suppose des agissements répétés pendant un laps de temps suffisant pour porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié ou compromettre sa santé ou son avenir professionnel. En l’espèce, les faits s’étaient déroulés sur une période d’environ un mois (après décompte des absence pour maladie) et le salarié produisait un certificat médical attestant de leurs effets sur sa santé mentale. Au vu de la jurisprudence qui fait de la mise à l’écart et des débordements de langage les éléments les plus caractéristiques du harcèlement moral, la cour d’appel de renvoi devrait vraisemblablement faire droit à sa demande d’indemnisation.

> Il est à noter que la définition du harcèlement sexuel, posée par l’article L. 1153-1 du Code du travail, ne fait pas non plus référence à une quelconque notion de durée, de sorte que le principe posé par l’arrêt du 26 mai pourrait lui être transposé.

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> Cass. soc., 26 mai 2010, n° 08- 43.152 F-P